Salut à tous,
J’ai pu discuter avec François Lamiraud,
recordman de France de l’heure sur piste. A l’occasion de la sortie de son
livre ‘ Mon Heure de gloire’ que j’ai pu lire, j’ai voulu en savoir plus sur la
préparation physique et matériel de ce passionné de cyclisme. J’ai regroupé
sous forme d’un interview, le résumé de nos différents échanges à travers les
plateformes des réseaux sociaux !
Le nouveau recordman |
A.L : Bonjour François, à la lecture
de ton livre, on comprend rapidement que le matériel et les nouvelles technologies
en cyclisme t’ont toujours intéressé.
F.L : Oui en effet j'ai toujours aimé
le beau matériel. Je me souviens que lorsque nous partions en vacances en
famille, je demandais toujours à mon père d'aller visiter les magasins de vélos
aux alentours pour découvrir de nouvelles choses. Quand j'étais jeune, mon père
et moi apportions une grande importance aux pneumatiques. Nous parlions déjà de
résistance au roulement...
A.L : Aujourd'hui c'est assez simple
de choisir le meilleur matériel grâce aux outils et bancs de mesure. Mais à
l'époque comment pouvais tu mesurer cela? Tu avais une méthode?
F.L : Nous n'avions pas de méthode
pour mesurer les différences entre les pneumatiques, je les testais sur la
route et je choisissais celui qui me semblait le meilleur. Nous faisions
confiance à Michelin qui nous semblait avoir de l'avance avec une composition
multi-gommes. Par exemple le modèle "bi-synergic", je ne sais pas si
cela te parle... Une bande de roulement centrale avec une faible résistance et
sur les côtés une bande avec une bonne accroche et plus tendre pour virer vite.
Côté roues, je me souviens de la paire
montée avec les moyeux Mavic 501, les meilleurs que je n'ai jamais rencontré !
A.L : Des roues à pneus ou boyaux ?
:-)
F.L : En cadet et junior, j'ai roulé
avec des pneus. C'est seulement après que j'ai pris le plaisir de rouler sur
boyaux. Quand je roule sur des pneus, je monte systématiquement des chambres à
air en latex.
A.L : Il est clair que l'offre de
roues profilées pour rouler vite en peloton ne permettait pas d'avoir de bonnes
roues à pneus...si c'était aujourd'hui tu oserais prendre des bonnes roues à
pneus pour rouler vite, genre des ZIPP 404 ?
F.L : OUI ! J'ai été totalement séduit
par mes dernières roues BONTRAGER à pneus. En plus de la facilité d'entretien
(en cas de crevaison), il y a un rendement excellent, confirmé par les tests
réalisés en labo comme sur ton site ou sur les autres sites spécialisés
Mais le cyclisme est tellement ancré dans
des usages, que certains ont du mal à changer leurs idées sur le matériel...
Pour mon record, on a essayé de chercher de
nouvelles choses pour améliorer le rendement. On a fait preuve d'audace... On a
testé des choses... Au niveau du matériel, nous avons passé de longues heures à
essayer du matériel sur le terrain (notamment sur le vélodrome de Bourges) :
roues, cintre, casque, position des bras, braquet. Je devais rouler 5' à 10' à
allure fixe (48km/h) et on observait les résultats grâce à un petit logiciel
imaginé par mon coach. Ce n'est qu'après que nous sommes allés vérifier nos
observations en soufflerie. Et nous avons eu des surprises, notamment sur la
combinaison qu'utilise beaucoup de professionnels. Elle s'est révélée moins
aéro que ma combinaison du Team Vulco. Certains petits plis au niveau des bras
permettaient d'améliorer de façon non négligeable mon SCx.
Test en soufflerie |
A.L : Oui j'avais noté cette remarque
de la combinaison dans ton livre !
As tu une estimation en watts du gain de
l'optimisation entre le début du projet et le résultat final si tu additionnes
tout (roues, positions, vélo, tenues, casques..etc!)
F.L : En watts non, mais en
pourcentage sur mon SCX oui : 2 à 3% entre ma position de base et celle de
Roubaix. Puis près de 5% entre celle de Roubaix et celle du Mexique.
A.L : Tu avais un capteur de puissance
donc tu pouvais tout de même sentir le gain en watts pour rouler à 45 km/hh par
exemple ?
F.L : oui, je n’ai plus en tête les
chiffres exacts mais c'était assez énorme (au moins 20 watts)
A.L : Tu parles aussi de l'utilisation
des Ultrasons pour le nettoyage de ta chaine ! Et j’ai vu sur les photos que tu
utilisais du Squirt Lub pour la
lubrification? Mes discussions avec Jason Smith de Friction Fact semblaient
préconiser une application en dernière minute pour les meilleurs résultats, toi
aussi ?
F.L : La chaîne devait être ultra
propre, d’où l’utilisation des ultrasons. On mettait le Squirt Lub 15' avant
mon départ, très très généreusement. J'utilisais le squirt
«formule hiver » . Il semblait mieux tenir sur la durée de mon effort.
J'utilise aussi leur dégraissant pour nettoyer la chaine, efficace et bio
dégradable.
A.L : L’inconvénient du Squirt Lub est
de vite faire de gros paquets de cire si on en met beaucoup…
F.L : le Squirt c'est une utilisation
= un nettoyage, c'est contraignant mais sur la piste il n'y a pas de saleté et
heureusement le rendement ne se dégrade pas sur une heure.
A.L : En effet, le Squirt doit être
utilisé pour un chrono, chaine propre et en dernière minute et c'est le top
dans ce cas là, surclassant tous les autres lubrifiants.
Concernant les pneumatiques, plutôt les
boyaux pour la piste, qu’as tu utilisé ?
F.L : Boyaux Dugast en coton, gonflés
à 12 bars, voire un peu plus à Aguascalientes car la piste était très très
lisse, douce comme de la soie...
A.L : ok parfait ! Merci pour cette
partie matériel parlons entrainement/préparation maintenant ! Tu dis avoir plus gagné avec ta
position que l'entrainement en altitude ?
F.L : La position est le facteur N°1.
L'acclimatation était nécessaire avant de partir là bas car rouler à 1900m ne
s'improvise pas. Je pense qu'il faudrait passer plusieurs mois de suite en
altitude pour parfaitement s'acclimater et ressentir les bienfaits. C'était
nouveau pour moi. Ce que je voulais dire c'est que j'ai plus gagné au niveau de
ma position que d'aller faire ma tentative au Mexique à 1900m d'altitude.
Avoir été en altitude lors des semaines
précédentes m'a certainement fait du bien au niveau physiologique. Mais sur 1h
d'effort très « aérobie », le manque d'oxygène se fait sentir. Pour
un record du 200m ou 1km, pas de problème, la résistance à l'air plus faible à
cette altitude est un énorme avantage, mais pour 1h, c'est plus compliqué. Ou
alors il faudrait y vivre toute l’année pour ne pas ressentir de désagréments.
Entrainement sur HT à 1800 m avec Quentin Leplat |
A.L : oui j'ai lu que tu avais même
été à Tignes, il est clair que sortir des watts à fond à 2000m, c'est
difficile… Je pense aussi que d'une personne à l'autre on s'acclimate plus ou
moins vite et on répond différemment à la baisse d'oxygène.
F.L : Tout à fait, je suis d'accord.
Certainement que moi je suis très sensible à la baisse d'O2. Mais je suis sûr
qu'en restant plusieurs mois en altitude, mon corps s'adapterait...
A.L : Il aurait été intéressant
d'avoir un analyseur gazeux type Métamax pour voir ta consommation d’oxygène en
fonction de l'altitude et peut être changer certaine stratégie
d'entrainement ?
F.L : ah oui c'était vrai que ça
aurait été top. On manquait de temps, si on devait re-préparer on se servira de
notre expérience et on ferait encore mieux !
A.L : Pour ta préparation au clm 1h,
tu parles de musculation, tu as utilisé la presse pour cela?
F.L : Oui car les squats sont trop
dangereux pour mon dos, fragilisé par la spondylarthrite dont je souffre. Je
travaillais surtout en force, à 90% de mon max. J'aime beaucoup la musculation,
je trouve que ça me fait du bien. Je vais toujours rouler après, je fais des
exos aussi sur le vélo.
A.L : oui on est d'accord, des séries
entre 5 à 8 reps maxi, tu cherches du rendement musculaire ainsi.
F.L : Oui c'est ça, en fait je fais un
circuit training avec plusieurs appareils et, après chaque tour de circuit, je
fais un transfert sur home-trainer.
A.L : Et sur la route, force max donc à I7 et endurance de force
ensuite ?
F.L : oui, départs semi-arrêtés où je
cherche du couple avant tout. J’ai fait aussi beaucoup de force sous-max pour
pouvoir emmener mon braquet pendant 1h et retarder l’apparition de la fatigue.
Bien-sûr, j’ai enchainé beaucoup de travail sur mon vélo de CLM en position
aéro pour entrainer les muscles spécifiques. Plusieurs séances derrière scooter
avec des exos de PMA étaient programmées, en cherchant la cadence, pas un gros
braquet. J'ai roulé presque exclusivement sur mon vélo de CLM. En fait de
juillet à septembre, j'ai roulé à 95% avec mon vélo de CLM qui est réglé comme
mon vélo de piste. Il s'agissait de s'approprier la position, qu'elle devienne
parfaitement confortable.
A.L : ça se comprend ! Pour préparer
ton effort sur une heure, tu faisais des intervalles plutôt basés sur le concept
FTP (donc IT assez long) et as tu laissé de coté les exos type PMA 30/30, 30/15
par exemple plutôt orientés efforts courts.
F.L : J’ai pratiqué beaucoup le
protocole « Gimenez » et des efforts longs entrecoupés d'effort à la
PMA. Pour éviter d'être trop diesel, je faisais quand même de nombreux sprints
de 15/20" lors de mes sorties.
A.L : Comme tu dis aussi, entrainement
très dure, compétition plus facile !
F.L : Oui tout à fait, ça faisait très
mal, surtout sur piste car je tournais bien les jambes et avec les virages qui
reviennent vite, ça donne envie de vomir. L’inertie apportée par le vélodrome
complique le développement de watts. C'était stressant mais j'ai réussi à les
faire et ça m'a donné beaucoup de confiance !
Entraineur / entrainé toujours très proche |
A.L : On réagit mieux à certain type
d'exercice que d'autres en fonction de sa génétique, répartitions fibres
lente/rapide...etc…as tu un exo fétiche avec lequel tu peux compter pour te
faire approcher de la forme pour un CLM par exemple.
F.L : Oui ce fameux
« Gimenez » est bon pour moi physiquement et aussi (surtout)
mentalement. Je sais que si j'ai fait mes 45' bien propres, je ne suis pas loin
du compte.
A.L : C’est clair ! Parlons de
tes deux tentatives au Mexique, tu sembles avoir fait une meilleure performance
en watts à la 2ème grâce à une température moins élevée ( + acclimatation
certainement) mais un chrono moins bon dû à
une position dégradée à cause de
douleur à l'appui de selle?
F.L : La meilleure performance en
terme de watts sur mon 2ème essai est à mettre sur le compte d’une température
restée plus stable. Pour rappel, lors du 1er essai, la température est montée à
plus de 30 degrés Celsius, c’était très énergivore pour l’organisme qui pense
en priorité à se refroidir. En fait, ce qui explique que j’ai développé plus de
watts la 2ème fois, c’est que mon corps a surcompensé physiquement et
mentalement durant l’intervalle entre les 2 tentatives. Malheureusement, à
cause de la blessure, ma position était bien moins aéro, j'étais moins allongé
et j’allais donc moins vite.
En route vers le record |
A.L : Rageant d'avoir eu un SCX
dégradé par la position. Je sais que Quentin ( Q. Leplat son entraineur) aime les calculs théoriques comme moi !
Avez-vous estimé le chrono que tu aurais fait en essai 1 avec les watts de
l'essai 2 ?
F.L : J'aurai passé les 51 km/h de
moyenne sans problème. Quentin ne m'a jamais dit exactement ce que j’aurai
fait, mais je pense qu'il le sait au fond de lui. Quand je suis descendu de
vélo, j'étais très déçu. Mon staff et ma famille ont voulu qu'on passe à autre
chose. Nous étions aussi là-bas pour vivre une aventure humaine. Le chiffre
importait peu, même si moi je voulais passer les 51.
A.L : Oui bien sur que c'est
l'expérience dans sa globalité qui est incroyable ! Pour se donner une idée,
peux tu nous dire (si tu sais) combien de watts il faut pousser en plus pour
passer de 49km/h à 50 km/h équipement position piste identique?
F.L : C'est assez énorme et
impressionnant. Il y a au moins 10 watts d'écart. Je n'ai plus les données
exactes mais sur lé vélo, c'était très dur d’augmenter un tant soit peu sa
vitesse.
A.L : Penses-tu qu’avec un équipement
encore plus optimisé comme avait Wiggins
pour son record de l’heure (Cadre hyper travaillé, chaines triées par exemple), tu aurai pu aller
encore plus vite ?
F.L : Non nous n'avons pas fait
d'estimation. Avec son cadre Pinarello, je pense pouvoir gagner 0,5km/h
maximum, mais pas plus. Wiggins est un phénomène, un gars hors-norme de toute
façon…
Du très beau matériel déja ! |
A.L : Finalement avec ce projet et le
retour d'expérience super enrichissant, tu pourrais certainement faire encore
mieux...pas de regrets ou d'envies de retenter 1 an après?
F.L : Non pas de regrets. Mon record
sera battu un jour c'est normal. Ce qui me rend le plus fier c'est ce que j'ai
entrepris pour préparer ce record. J'ai plus appris en 1 an qu'en 10 ans de
carrière ! J'ai vécu des choses que certains pros ne connaîtront jamais. Le
record de l'Heure m'attire toujours, je dois l’avouer. Mais il faut pouvoir
être au top physiquement et mentalement, avoir le budget et la santé. Il ne
faut jamais dire jamais car la vie réserve parfois des surprises mais je suis
loin de penser à cela pour l’instant.
A.L : Et donc pour finir quel est
l'avenir maintenant ? Promotion du livre, média, Eurosport, coaching ?
F.L : Je serai sur Eurosport en tant
que consultant à l’occasion des Championnats de France piste fin septembre, à
Bordeaux.
Je continue de parler de mon livre dans
diverses manifestations. Il s’adresse aux jeunes cyclistes et à ceux qui aiment
le sport. Je le dédie aussi aux malades de la spondylarthrite qui souffrent.
J’ai eu la chance de pouvoir vivre mon rêve malgré les difficultés et c’est le
message que je souhaite laisser.
En début d'année 2017, j'ai prévu de
continuer le coaching et de commencer à organiser des stages pour cyclo-sportifs
sur route et en VTT. J'ai aussi un projet pour organiser des compétitions sur
piste avec Michel Meunier. Tout cela est en cours de construction.
A.L : Merci François pour ce retour
d’expérience et de partage très intéressants sur ton record de l’heure. On pourra continuer de suivre tes projets
grâce à Twitter (@LamiraudF) où tu es très actif il me semble !
F.L : Oui c’est cela, parfait Alban.
Je te remercie. Avec plaisir de continuer à donner des news bien sûr !
Pour trouver le livre (ISBN :
979-10-90930-18-6) :
http://www.leseditionsdephenicie.fr/fr/histoires-d-humains/48-mon-heure-de-gloire-9791090930186.html
Magnifique article, une nouvelle fois merci et bravo Alban.
RépondreSupprimerBonjour Alban
RépondreSupprimerQue penses tu d'un montage sur roues carbone Bora 50 avec des vittoria corsa speed avec chambres Conti Light pour une utilisation polyvalente ?
Sportivement
Bonjour, pour rouler vite sur du plat et sans vent, ça ira bien en effet. Corsa speed = pneu de chrono, pas de gros virage avec ça et utilisation optimale 1000 km, ensuite risque de crevaison élevé. Conti light idem, risque accru. Ch latex au moins sur l'arrière tu auras un meilleur rendement, pour l'avant si beaucoup de freinage alors oui une butyl s'impose sur le carbone sinon latex si de plus pas trop lourd.
RépondreSupprimerBonjour Alban, lors de tes discussions avec François lamiraud, as-tu abordé le choix de sa lenticulaire à boyau (Lightweight d'après ce que l'on voit) ? En effet, fort des constats que tu as pu démontrer sur la route avec les pneus détrônant les boyaux ne seraient-il pas valable également pour la piste ? En résumé, ne penses-tu pas qu'un ensemble Lenticulaire à pneu (type Zipp Super 9 plus lourde = 1175 g, donc avec une meilleure inertie) , couplée à une chambre latex + Corsa Speed TLR (ensemble roue pneu = environ 1500 g) serait plus performant qu'un ensemble lenticulaire à boyau (plus légère donc normalement moins d'inertie : Zipp 900 = 990 g ou Lightweight = 880 g), couplée à un boyau de piste en soie en 19 mm (type FMB, Dugast ou nouveau Vittoria Piste Graphène ?) ?
RépondreSupprimerA-t-il réalisé des essais sur la piste ?
Et toi qu'en penses-tu au niveau théorique ?
Tout l'ITW est en ligne, nous n'avons pas trop abordé le choix pneu / roue, je pense que sur une belle piste avec un boyau performant et gonflé fort, c'est peut être encore à l'avantage des boyaux. A voir pour la largeur si 19 ou 22 mm est plus adapté avec la largeur des derrières jantes. Je vais demander à François.
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