jeudi 13 novembre 2014

Le profil de puissance de T.PINOT entre 2008 et 2013.

Salut à tous,


Julien PINOT et Frédéric GRAPPE ont récemment publié une étude sur  l’évolution du potentiel physique d’un cycliste de grand tour entre 2008 et 2013. Ce dernier n’est autre que Thibault PINOT, frère de Julien,  TOP 10 du Tour de France 2012, Vuelta 2013 et magnifique 3ème du Tour cette année !.. Je remercie Julien de m’avoir fourni l’étude dans le détail me permettant d’en apprendre un peu plus sur l’évolution du potentiel de Thibault et m’autorisant à en parler !

C’est une étude unique,  du fait que Thibault a été un des premiers Junior Français en 2008 à utiliser un capteur de puissance. Comme il l’a déjà dit, à la place de s’acheter des roues carbones, il a préféré quantifier et optimiser ses plans d’entraînements  très tôt en achetant un SRM (suivi par Jacques Décrion en junior et ses débuts pro). En parallèle Julien, grâce à ses compétences acquises sur le terrain avec le CC Etupes lorsqu’il était coureur,  puis à Besançon avec  F.Grappe , a pu le former et le guider efficacement dès ses débuts à l’utilisation d’un SRM.

Thibault et Julien au CCE !
Avant de parler résultat, l’étude insiste  bien sur le fait que Thibault connaissait l’importance d’enregistrer des fichiers avec précision en ayant un capteur toujours bien calibré. Il faisait donc l’Offset zéro  de son SRM avant chaque sortie. De plus  Julien vérifiait 3 fois par an la bonne calibration du SRM (méthode des poids)  pour éviter toute dérive dans l’analyse du suivi.  Ainsi 95 % des fichiers transférés par Thibault ont été considérés valides pour l’étude. Le logiciel d’analyse n’est autres que WKO+, 3.0 de Training peak, que j’utilise également,  et qui  est,  pour moi le meilleur logiciel de suivi d’un athlète dans la gestion d’une saison (précisions des analyses,  charge,  fatigue etc..).

La VO2 max de Thibault a été mesurée en 2013 à l’aide d’un analyseur d’échanges gazeux type K4b2 lors d’un test incrémental de 25w/min et a atteint un peu plus de 5500 ml/min ! Ramené à son poids de corps qui se situe vers 64/65 kg pour 1,80 m, on est donc sur des valeurs de 85 mL.min.kg.  C’est une valeur très élevée qui classe Thibault parmi les plus gros potentiels physiques actuels en cyclisme…Concernant son temps d’entrainement + compétition, il est passé de  526 h en 2008 à 943 h en 2013 tout en augmentant sa charge ( training load) de + de 80 %. Sa planification  est sensiblement la même d’année en année, à savoir une coupure de 4  à 6 semaines puis 12 semaines de fondation  à basse et moyenne intensité ( PPG, VTT, cyclocross, route) puis des blocs mixant haute intensité et volume à l’approche des objectifs. Chaque gros objectif  étant précédé de période d’affutage et succédé de semaine de récupération.

Volume moy / semaine et ressenti RPE, charge TL

Une des parties les plus intéressantes de l’étude est bien sur l’évolution de son profil de puissance entre 2008 et 2013 grâce à l’analyse de plus de 2000 fichiers (dont  481 issus de jours de compétitions !). Pour simplifier, j’ai réalisé un tableau permettant de retrouver en Watts/kg ses performances entre 5 min et 4h de 2008 à 2013. L’étude analyse également les efforts de force/vitesse entre 1 s et 30s et les intensités dites sévères entre  30s et  5min. Je me suis attardé sur ses qualités de grimpeur donc plutôt des intensités de type aérobie au-delà de 5 min ! 

PPR T.Pinot de 5 min à 4 h entre 2008 ( courbe orange) et 2013 ( courbe bleue)

Si on analyse l’évolution de performance sur 6 ans , on voit que la puissance s’est améliorée de 1 à 1.2 w/kg sur toutes les durées ( soit 30 %, + 75 watts moy,  par ex d’amélioration sur des intensités de 4h ! ). C’est la puissance aérobie sur 5 min qui a explosée en premier en 2009/2010 avant d’atteindre un certain palier vers 7.2/7.4w/kg ( 480 watts)  ensuite. Pour rappel, c’est vers 20 ans que l’évolution de VO2 max est au maximum, soit bien l’âge de Thibault vers 2010 mais cette dernière peut encore augmenter légèrement sur plusieurs années ensuite. On remarque que les efforts entre  20 à 60 min ont suivi cette tendance de façon assez linéaire. C’est à partir de 2h d’effort que l’on note une certaine divergence. En effet,  l’amélioration est moins importante puis reprend sur des efforts de 4h pour atteindre pratiquement 5 w/kg !!!  Ce n’est en aucun cas une faiblesse sur 2h du potentiel physique de Thibault mais bien une limite dans la procédure d’évolution de profil de puissance. Pour qu’elle soit juste il faudrait que pour chaque durée, l’athlète se pousse au maximum. Or les pics de puissances sont souvent atteints en compétition et non à l’entrainement. En  passant pro, Thibault est rapidement passé sur des courses avec  des  épreuves bien plus longues,  imposant de tenir des puissances importantes sur 4h et plus. Les épreuves  sur le circuit Pro permettant des pics de puissances sur 2h sont rares ! Voilà pourquoi l’évolution des pics de puissance sur 2h est moins importante. On pourrait donc penser que toutes ses performances puissent être encore améliorées sur des tests bruts (sans fatigue), notamment pour faire une comparaison avec des CP5 et CP20 min existant. Mais c’est très dur physiquement et mentalement de faire des tests ‘ all out ‘. Pour un pro qui enchaîne les heures et les compétitions c’est encore moins simple à planifier.

Cette étude montre donc pour la première fois l’évolution des performances d’un jeune  coureur de grand  Tour cycliste sur plusieurs années. Elle permet de comprendre comment Thibault a progressé ces dernières saison et pourquoi il  est maintenant en mesure de figurer dans le top 10 (voir mieux) des grands Tours. On a déjà hâte d’avoir le retour des 6 prochaines années qu’on lui souhaite encore en progression !